UN COMMERCE DE PROXIMITE SALVATEUR
Médina Salam est l’une des 20 unités pastorales créées ou redynamisées par le Projet régional d’appui au pastoralisme au Sahel (PRAPS-Sénégal). A l’image des autres unités pastorales, Médina Salam qui polarise 21 villages, est doté d’une boutique pastorale. Une boutique pastorale est une annexe intégrée dans le protocole de magasin de stockage d’aliment de bétail de 50 tonnes. Elle a été instituée pour permettre aux zones isolées, couvertes par le projet, de faire face aux difficiles conditions d’approvisionnement en denrées de première nécessité et ingrédients indispensables à l’alimentation humaine et animale.
L’opérationnalisation de la boutique pastorale en décembre 2020, donne à Médina Salam une bouffée d’oxygène après la mise en œuvre du forage. En l’absence d’activités génératrices de revenus dans le PRAPS 1, les boutiques pastorales jouent le rôle d’économie d’échelle, de commerce de proximité et d’économie en matière de dépenses et de gain de temps.
Bousra Ndawène bénéficie de la même opportunité. Pour les femmes, « le PRAPS est une aubaine à Bousra Ndawène », c’est du moins l’avis de May Niang, présidente de la boutique pastorale. Selon elle, « la boutique est salutaire car elle nous aide beaucoup. Les produits coûtaient cher et il fallait se déplacer sur 15 à 45 km à la ronde pour les acheter ; maintenant, nous avons tout à portée de main. Nous disposons de tout ce dont les femmes ont besoin en cuisine. De plus, les produits achetés au détail coûtent plus chers que dans la boutique où les économies d’échelle jouent en faveur de la péréquation des prix en vigueur dans la localité. »
La clientèle s’en frotte les mains, car de l’avis de plusieurs usagers, « la boutique pastorale est un don de Dieu ! » D’autres sont d’avis que « l’originalité de l’intervention du PRAPS dans le village est une bénédiction car le forage, le parc à vaccination et la boutique pastorale résolvent trois préoccupations majeures au niveau des Unités pastorales : l’eau, la santé animale et l’approvisionnement en denrées de première nécessité. »
Pour May Diouf, gérante de la boutique pastorale de Bousra Ndawène « la boutique rend beaucoup de services aux hommes et aux chevaux, en termes d’économie d’argent, de temps et de peine. Auparavant, il fallait dépenser beaucoup d’argent pour le transport à moins de disposer d’une charrette pour effectuer un voyage pénible du fait de l’enclavement de la zone et de la rareté des véhicules. » La preuve est lisible dans le bilan du premier mois : « j’encaisse au minimum 10 000 F par jour, mais très souvent, les ventes s’élèvent à 25 000 F, parfois un peu plus. A la fin de la journée, je me rends chez la présidente pour faire le point de la situation journalière. Les recettes ainsi consignées dans le livre des comptes sont ensuite versées à la trésorière. »
Ndèye Haram Ndaw, la trésorière de la boutique pastorale de Bousra Ndawène confirme : « quand la gérante encaisse 50 000 F environ, elle vient avec la présidente verser l’argent que je garde dans ma chambre, même mon mari ne peut pas savoir là où je garde l’argent. Quand la trésorière veut aller acheter d’autres marchandises, elle vient me voir avec la présidente. Je lui donne le montant nécessaire au renouvellement de son stock de denrées. Il m’arrive de garder parfois 200 000 F ou plus. C’est un début, mais nous prévoyons d’ouvrir un compte dans une institution financière pour sécuriser l’argent contre les incendies et les voleurs. Si je dois voyager, je vais voir la présidente et la gérante pour décliner les besoins et remettre l’argent avant de partir. »
Pour le premier mois d’exercice « nous avons eu un bénéfice de l’ordre de 30 000 F affirme la présidente. Nous avons dépensé 10 000 F pour réparer la porte de la boutique, 10 000 F pour motiver la gérante et les 10 000 F restant ont été versés dans notre caisse. Nos remerciements au PRAPS n’ont ni commencement ni fin ! »
A Médina Salam, les économies sont également importantes et la boutique joue un rôle déterminant dans l’approvisionnement des villageois en denrées de première nécessité. Selon Khady Samb, gérante de la boutique pastorale de Médina Salam,les produits vendus sont calqués sur les besoins les plus pointus du village.
Au total, à l’image de Médina Salam et Bousra Ndawène, 22 boutiques pastorales gérées par les femmes sont prévues dans les huit départements couverts par le PRAPS. En plus de la gérante désignée, l’organisation comprend une présidente, une trésorière, une ou deux contrôleuses et des suppléantes. Le point de départ est une subvention d’un million de francs accordée à une structure légalement constituée par les femmes bénéficiaires, sous forme de GIE ou Groupement d’intérêt économique. Le GIE est doté d’une personnalité juridique reconnue par les pouvoirs publics. La forme juridique est importante pour garantir la transparence et la traçabilité des fonds.
Pour démarrer, la prudence dicte aux bénéficiaires d’utiliser la moitié (500 000 francs) pour une première dotation en denrées de première nécessité. En milieu rural, ce terme générique dépasse largement les denrées dites alimentaires. Le GIE jouit de toutes les libertés pour renforcer progressivement son stock de produits, en tenant en compte la capacité d’absorption ou du pouvoir d’achat de la clientèle desservie au sein du village centre et des villages polarisés. Cette activité sera bientôt complétée par une autre subvention en aliments concentrés de bétail à hauteur de 2 millions 600 mille francs.
A Médina Salam, Bousra Ndawène, Kouthiaba Peul, Sinthiou Thiakhat et Lour Escale, les débuts sont prometteurs et dictent l’élargissement rapide de la phase pilote aux autres Unités pastorales. Ici et là, l’adhésion déjà effective des populations locales, donne la meilleure garantie d’une réussite programmée.
Les boutiques pastorales sont appréciées partout pour des raisons évidentes de gain de temps et d’économie pour l’accès aux denrées essentielles comme le riz, l’huile, le sucre, le sel, le savon, le café, le thé, le lait et divers ingrédients de cuisine comme les bouillons ou d’utilisation courante comme les sandales, les piles, les lampes torches, les colles pour les chambres à air des charrettes, des motos et des vélos, les bonbons, les biscuits, les baignoires et seaux, entre autres.
L’objectif n’est pas de faire des bénéfices effrénés, mais d’équilibrer les comptes pour assurer la pérennisation de l’activité commerciale de proximité. « C’est pourquoi, le crédit est banni, sauf pour les petites sommes qui ne dépassent pas 500 F », assure la présidente de la boutique pastorale de Bousra Ndawène. Les gérantes qui constituent les seules « salariées » des boutiques pastorales perçoivent une motivation équivalente au tiers des bénéfices générés par mois.
Chaque boutique pastorale est adossée à une Unité pastorale (UP). Par conséquent la boutique pastorale est implantée au niveau du village centre de l’Unité pastorale avec, parfois, une vingtaine, voire une trentaine de villages satellites. L’UP est un cadre harmonieux de gestion de l’espace géographique centré autour d’un forage. Elle implique des populations appartenant au même terroir, solidaires, ayant les mêmes intérêts socio-économiques, exploitant les mêmes ressources naturelles et utilisant les mêmes points d’eau.
Ces populations, organisées en une structure associative, élaborent et mettent en œuvre, par le biais du PRAPS, un plan de gestion des ressources pastorales de leur terroir. Elles reçoivent une délégation de pouvoir de la commune, approuvée par le représentant de l’Etat, en l’occurrence le sous-préfet ou le préfet, pour réaliser leur mission. La gestion de ce terroir, basée sur une approche de développement local multisectorielle et participative, intègre la préoccupation environnementale et garantit le caractère durable des processus de production et d’exploitation. En d’autres termes, il s’agit d’accroître la productivité et d’améliorer le niveau de vie des pasteurs et agropasteurs, sans dégrader l’environnement dans un contexte de changements climatiques. En somme, l’UP repose sur trois dimensions sociétale, écologique et économique.
La dimension sociétale comprend les populations, les institutions, les cadres de décision et les services. La dimension écologique intègre l’eau, les pâturages et le sol. La dimension économique comprend le bétail, la santé animale et les marchés. La création et la mise en œuvre des unités pastorales sécurisent le fonctionnement des systèmes pastoraux. Les UP améliorent la disponibilité des ressources et augmentent la productivité du cheptel. Elles renforcent la cohésion sociale et la responsabilisation des acteurs à la base du développement communautaire. Les cadres de concertation et de gestion offrent des instruments dynamiques d’inclusion sociale, d’intermédiation et de démocratie pour la préservation des intérêts stratégiques des communautés pastorales.